12 Avatars d’œuvres d’art générés par un SAI à partir d’une matrice photo.
Saurez-vous reconnaître l’image matricielle ?
Moteur IA : Dall-e (2021)
Saurez-vous reconnaître l’image matricielle ?
Moteur IA : Dall-e (2021)
INTRODUCTION
L'avènement des systèmes de création intelligents, tels que les générateurs de textes, de musiques et d'images, soulève des questions fondamentales sur la nature de l'art et de la création, tant du point de vue du praticien que de celui du critique, du philosophe, du théoricien de l’image, et, ultimement, du regardeur. Ces systèmes, a priori dépourvus d'affects et d'émotions, remettent en cause le rôle traditionnel de l'artiste. La question est de savoir dans quelle mesure la création assistée par l'intelligence artificielle peut être considérée comme une forme d'art authentique et si nous ne serions pas — précisément —, à un autre point de rupture historique dans notre rapport à l’outil ou à l’instrument permettant l’acte de création ? Une autre manière de le formuler serait de se demander si nous n’assistons pas à une autre mort de l’art, « une répétition infinie de l’art dans l’éternel présent[1]».
Cette recherche explorera cette question en s'appuyant sur l'idée que l'art cybernétique assisté par l’IA, né de l'interaction entre l'humain et la machine, ouvre la voie à une création conceptuelle qui n’est pas uniquement réductible à un univers binaire, puisqu’en définitive, l’objet d’art demeure perçu dans un espace analogique par essence : celui de l’esprit humain. Dans ce rapport de force entre les pour et les contre, j’aimerais pouvoir démontrer que ce qui s’affirme depuis quelques années en cybernétique est l’opportunité qu’offre ce débat sur l’IA de générer de nouveaux questionnements sur la nature et la fonction de l’objet d’art et de la l’acte de création.
[1] OLIVIER, Alain Patrick. Hegel, la genèse de l’esthétique. Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. Aesthetica, 2008, p.159
1. Matrices analogiques photographiques
Il ne s’agit plus de produire des œuvres,
mais de prescrire des significations
— Joan FONTCUBERTA
mais de prescrire des significations
— Joan FONTCUBERTA
2. ANIMATION PHOTONUMÉRIQUE TRADITIONNELLE
Le cinéma, comme la peinture, montre l’invisible.
— Jean-Luc GODARD
— Jean-Luc GODARD
3. ANIMATION ALÉATOIRE
PROJECTION D’IMAGES INDEXÉE À UN GÉNÉRATEUR DE NOMBRES ALÉATOIRES
Perception, subjectivité et qualia
4. ANIMATION PHOTONUMÉRIQUE ASSISTÉE PAR L’IA
Moteur IA : Topaz
When I am painting,
I am not aware of
what I’m doing.
— Jackson POLLOCK
I am not aware of
what I’m doing.
— Jackson POLLOCK
5. PRATIQUE TRADITIONNELLE MATÉRIELLE — MANUELLE
E.g. : Aquarelle
L’art ne reproduit pas le visible : il rend visible.
— Paul KLEE
6. L’OBJET TROUVÉ (Ready Made)
« La Trahison des pixels »
Association libre de 89 objets
Ce sont les regardeurs qui font les tableaux.
— Marcel DUCHAMP
— Marcel DUCHAMP
7. INSTALLATION MULTI-ÉCRANS
« Flight »
Projections vidéographiques en boucle
I
II
III
UN AUTRE POINT DE RUPTURE AVEC L’ART TRADITIONNEL (MATÉRIEL)
L'art cybernétique intelligent se distingue de l'art traditionnel en ce que les systèmes intelligents ne sont pas mus par des sentiments, des désirs ou des affects, mais plutôt par des paramètres algorithmiques et des données préexistantes.
Cette rupture d’avec l'art pré-numérique est fondamentale car elle remet également en question l'idée de l'artiste comme seul maître de son œuvre.
Sur ce sujet, la photographie posait déjà les bases d’un débat similaire à la fin du XIXe siècle. On peut d’ailleurs se demander si l’éclatement de la notion de mimêsis à la fin du 19ème siècle n’est pas en partie attribuable à l’entrée en scène de la photo dans le royaume de la représentation ?
Si au 19e siècle la photo était prénommée « the pencil of nature » par William Henri Fox Talbot, un de ses inventeurs, comment devrions-nous appeller les nouveaux SAI générateurs d’images ?
Pourrions-nous dire qu’ils sont « les crayons artificiels de l’irrationnel » ?
L'art cybernétique intelligent se distingue de l'art traditionnel en ce que les systèmes intelligents ne sont pas mus par des sentiments, des désirs ou des affects, mais plutôt par des paramètres algorithmiques et des données préexistantes.
Cette rupture d’avec l'art pré-numérique est fondamentale car elle remet également en question l'idée de l'artiste comme seul maître de son œuvre.
Sur ce sujet, la photographie posait déjà les bases d’un débat similaire à la fin du XIXe siècle. On peut d’ailleurs se demander si l’éclatement de la notion de mimêsis à la fin du 19ème siècle n’est pas en partie attribuable à l’entrée en scène de la photo dans le royaume de la représentation ?
Si au 19e siècle la photo était prénommée « the pencil of nature » par William Henri Fox Talbot, un de ses inventeurs, comment devrions-nous appeller les nouveaux SAI générateurs d’images ?
Pourrions-nous dire qu’ils sont « les crayons artificiels de l’irrationnel » ?
Pierre BONNARD Marthe au tub Photographie (1907)
Pierre BONNARD Femme dans un bain Huile sur toile (1917)
Moteur IA Dall-e + Topaz (2024)
D’après Pierre BONNARD Marthe au tub Photographie (1907)
D’après Pierre BONNARD Marthe au tub Photographie (1907)
Moteur IA Dall-e + Topaz (2024)
D’après Pierre BONNARD Femme dans un bain Huile sur toile (1917)
D’après Pierre BONNARD Femme dans un bain Huile sur toile (1917)
UNE NOUVELLE FORME D’ART ?
Collaborant avec la machine pour explorer des territoires artistiques qu’il ne contrôle plus de la même façon, l'artiste utilisant les systèmes génératifs devient un cocréateur.
Cette forme de création est dissociée du corps et du geste dans l’espace, tout en étant discontinue — par essence —, du fait de sa nature binaire.
Il passe par le langage et par la pertinence des tris que saura opérer l’opérateur de la machine d’une part, mais par dessus tout, ce qui devient capital est la qualité de la base de données vers laquelle se tourne le système artificiel intelligent.
Sans une base de donnée qualitativement intéressante et quantitativement importante, les résultats obtenus ne peuvent que paraître sans intérêt.
Publicité OpenAI Dall-e fév. 2024
La question est peut-être de découvrir si l'art Post-IA se limite à la reproduction de formes existantes ? Permet-il véritablement d'explorer des concepts et des idées nouvelles, impossibles à réaliser par des moyens traditionnels ? Est-il davantage qu’un super crayon, une prothèse aux capacités synthétiques et probabilistes — statistiques — imparables.
Un hyper artiste dessinant, sculptant, peignant, écrivant... plus vite que quiconque des assemblages à parfaire, à retoucher. Des ersatz de création en manque d’humanité.
Moteur IA Dall-e + Topaz (2023)
En générant des images et des textes — recrachant des synthèses algorithmiques compressées — à partir de bases de données toujours plus monstrueuses —, les systèmes intelligents ouvrent la voie à une création conceptuelle apparaissant sans limite.
Seulement, en se basant sur des données préexistantes, comment peut-on véritablement générer quelque chose qui soit proprement personnel et intime (sans parler du sublime) : caractéristiques longtemps perçus comme cardinales dans l’expression de l’artiste ?
Mais reprochons-nous à un pinceau ou une palette de couleur de ne pas être assez métaphysique ? Et un appareil photographique manque-il de poésie et d’humanité ?
Avec l’IA, l’artiste devient-il un explorateur, un découvreur de formes et d'univers qui sortent de la sphère d’investigation habituelle, ou ne fait-il que déléguer — et abandonner — à la machine le soin d’accomplir l’un des gestes les plus caractéristiques, et précieux, de l’espèce humaine ?
L’art Post-IA ne se résume pas à un simple choix entre l'humain et la machine puisqu’il s'agit d'une collaboration entre deux intelligences, l'une biologique et l'autre artificielle (médiatrice, probabiliste).
Cette collaboration donne naissance à une création hybride, à la fois humaine et machine.
L'art cybernétique est une création ouverte, en constante évolution, mais cela n’est peut-être pas nouveau, si l’on considère l’arrivée de ces systèmes uniquement comme un outil supplémentaire de la boîte à outils de l’artiste : un nouveau canif qui aurait comme caractéristique de simplement comporter un nombre aléatoire et imprévisible de lames.
LA RÉTROACTION INFINIE : UNE QUÊTE SANS OBJET
L'utilisation de systèmes génératifs intelligents implique une rétroaction constante entre l'artiste et la machine. L'artiste fournit des instructions et des données à la machine, qui en retour génère des résultats.
L'artiste analyse ensuite ces résultats et les utilise pour affiner ses instructions.
Cette boucle de rétroaction peut être infinie — les œuvres sont produites à la chaine —, car il n'y a pas nécessairement de résultat final prédéterminé. Le travail de l’artiste devient presque celui d’un éditeur de contenu ou, pourquoi pas, celui d’un commissaire de ses choix personnels.
Ainsi, l'artiste est en constante recherche, soit : mais s’agit-il d’une quête sans objet ?
En fait, on peut aussi se demander qui commande au juste, puisqu’il n’est possible d’infléchir que partiellement seulement le travail en cours dans le rapport aux système artificiels intelligents. Lorsque l’artiste fouille les entrailles des SIA ou recherche des variations sur une thématique visuelle ou textuelle, les résultats resteront cadrés et surtout ils seront imposés d’une manière aussi péremptoire que s’ils avaient été tirés aux dés.
Toutefois, ce caractère fortuit n’est pas nécessairement problématique pour autant...
L'utilisation de systèmes génératifs intelligents implique une rétroaction constante entre l'artiste et la machine. L'artiste fournit des instructions et des données à la machine, qui en retour génère des résultats.
L'artiste analyse ensuite ces résultats et les utilise pour affiner ses instructions.
Cette boucle de rétroaction peut être infinie — les œuvres sont produites à la chaine —, car il n'y a pas nécessairement de résultat final prédéterminé. Le travail de l’artiste devient presque celui d’un éditeur de contenu ou, pourquoi pas, celui d’un commissaire de ses choix personnels.
Ainsi, l'artiste est en constante recherche, soit : mais s’agit-il d’une quête sans objet ?
En fait, on peut aussi se demander qui commande au juste, puisqu’il n’est possible d’infléchir que partiellement seulement le travail en cours dans le rapport aux système artificiels intelligents. Lorsque l’artiste fouille les entrailles des SIA ou recherche des variations sur une thématique visuelle ou textuelle, les résultats resteront cadrés et surtout ils seront imposés d’une manière aussi péremptoire que s’ils avaient été tirés aux dés.
Toutefois, ce caractère fortuit n’est pas nécessairement problématique pour autant...
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Prompt: A stylish woman walks down a Tokyo street filled with warm glowing neon and animated city signage. She wears a black leather jacket, a long red dress, and black boots, and carries a black purse. She wears sunglasses and red lipstick. She walks confidently and casually. The street is damp and reflective, creating a mirror effect of the colorful lights. Many pedestrians walk about.
Publicité OpenAI SORA fév. 2024 (détail)
Commande : Une femme élégante marche dans une rue de Tokyo remplie de néons lumineux et de panneaux de signalisation animés. Elle porte une veste en cuir noir, une longue robe rouge, des bottes noires et un sac à main noir. Elle porte des lunettes de soleil et du rouge à lèvres rouge. Elle marche avec assurance et décontraction. La rue est mouillée et réfléchissante, ce qui crée un effet de miroir avec les lumières colorées. De nombreux piétons se promènent.
Ce qui interroge peut-être davantage est la question de l’origine de l’œuvre produite. Et nous voilà peut-être à la racine d’un des grands problèmes de l’art Post-IA : l’impossibilité de pouvoir vérifier l’origine de ce qui a été crée — quelle en est la source véritable.
Il demeure difficile d’accorder de la valeur à un geste que l’on a pas posé soi-même comme artiste. Si 80% du travail de création est impossible à expliquer, à valider, à authentifier... comme praticiens, les artistes se trouvent en face d’un problème difficile à résoudre. Malgré la reconnaissance de la qualité de l’exécution « balisée » de la machine (nous pourrions même parler du talent de l’IA), le nœud de la question est peut-être celui de savoir si, au fond, ce qui bloque dans l’équation est précisément la nature non-humaine et donc intrinsèquement dépourvue de vécu qui invalide la possibilité de reconnaître comme « artistique » une action strictement procédurale, mathématique, binaire.
MATIÈRE À RÉFLEXION
Dans quelle mesure les SIA (Systèmes Artificiels Intelligents) remettent en question la notion d'originalité dans l'art ?
L'artiste est-il encore un auteur à part entière ?
Comment la collaboration entre l'humain et la machine affecte-t-elle le résultat du travail de l’artiste ?
Comment ces systèmes influencent la perception et la réception des œuvres d'art ?
La relation entre le spectateur et l'œuvre est-elle modifiée ?
Y a-t-il émergeance de nouvelles formes d'esthétique et d'expériences artistiques ?
Quels sont les nouveaux outils et techniques offerts aux artistes par les SIA ?
Comment les SIA transforment les langages et les formes d'expression artistique ?
Quelles questions éthiques soulève l'utilisation des SIA dans l'art (spoliation intellectuelle) ?
Les SIA modifient-ils le marché de l'art et la valeur des œuvres ?
Verrons-nous émerger de nouveaux modèles économiques et de diffusion de l'art ?
Quel impact les SIA auront-ils sur le statut et la reconnaissance des artistes ?
Les SIA remettent-ils en question la nature même de l'art et de la création ?
Qu'est-ce qui distingue l'art produit par l'homme de celui généré par une machine ?
Les SIA peuvent-ils nous éclairer sur la nature de l’art, de la créativité et de l'intelligence humaine ?
Et la mimésis ?